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STAGES DE MAITRE MIYAMOYO

Stage du 24 & 25 novembre 2001: Entretien avec Miyamoto Senseï

   
  L'entretien que nous reproduisons ici est paru dans le numéro 17 (mars 2002) de KIMUSUBI, le journal de l'AS Caluire AIKIDO, que nous remercions ici.
   
  A l'initiative du club l'Aïkikaï de Lyon, nous avons eu la chance d'accueillir Miyamoto Sensei du 24 au 30 novembre 2001.
C'est un passage qui a laissé des traces, comme d'ailleurs chaque venue d'un maître japonais. Le style de Miyamoto Sensei a dérouté plus d'un pratiquant. En perpétuelle recherche, il élabore sa technique par le mouvement en réclamant un effort de présence tout particulier de la part d'uke. Le manquement à cette règle élémentaire entraîne une sanction amicale mais immédiate. Autrement dit, les notions de vigilance et de disponibilité prennent toute leur dimension, car nulle technique n'est fixée au départ et elle évolue pendant la démonstration. Déroutant mais après quelques cours, on s'habitue, mieux même, on en redemande, car Miyamoto Sensei nous ouvre une nouvelle fenêtre sur la pratique de l'Aïkido. II nous expose son point de vue avec générosité et bonne humeur. Que ceux qui n'ont pu assister au stage se consolent, il n'est pas impossible qu'il nous revienne courant 2002. En attendant Ki Musubi vous livre cet entretien en exclusivité...
Bande de petits veinards !
   
  Ki Musubi : Comment avez-vous découvert l'Aïkido ?
Tsuruzo Miyamoto : J'ai commencé en 1971 durant ma première année d'université, je suis originaire de Fukuoka, la plus grande ville de la province de kyushu, et comme dans la plupart des grandes villes du Japon, les enfants font du judo, du kendo, du karaté. Moi j'ai souhaité faire quelque chose de plus particulier et ce n'est qu'après être rentré à l'université que j'ai pu découvrir l'Aïkido, dans le cadre du club universitaire.
KM : Quels ont été vos Sempaï de l'époque ?
TM : Maître Suganuma en particulier.
KM : Comment se situe l'Aïkido au sein des autres arts martiaux pratiqués au Japon ?
TM : Judo, Kendo, Karaté et Aïkido, il vient en quatrième position. La plupart des japonais savent que l'Aïkido existe mais ils ne savent pas de quoi il s'agit exactement. Il y a peut être 700 000 pratiquants.
KM : Depuis quand enseignez-vous au Hombu Dojo ?
TM : J'ai d'abord été admis au Hombu Dojo comme uchi deshi en 1975 et le programme d'uchi deshi dure 4 ans, j'étais le uke de tous les maîtres, je nettoyais le dojo, je lavais les keikogi...
KM : Que retenez-vous de cette époque là ?
TM : je me rappelle de trois choses, le matin on se lève à 5 h 15, on fait le ménage et à 6 h 30, il y a cours avec le doshu (Kisshomaru à l'époque). Le soir les cours finissent à 21 h30. II faut là encore nettoyer puis c'est le repas, généralement pris dehors. Je me couchais vers les 22 h 30, 23 heures, mais j'en garde malgré tout de bons souvenirs car j'aimais beaucoup la pratique.
KM : Etiez-vous déjà venu en France ?
TM : Oui, il y a une dizaine d'années, à l'occasion d'un stage d'une semaine à Arcachon organisé par la fédération de maître Tamura. Très exactement, c'était Suganuma Senseï qui était invité à l'époque mais il a eu un empêchement et c'est moi qui y suis allé. Je me rappelle de la ville de Bordeaux qui est jumelée avec la ville de Fukuoka. Tous les budos modernes et anciens avaient été conviés durant ce stage à Arcachon...
KM : Connaissiez-vous déjà Maître Tamura à ce moment là ?
TM : Bien sûr, j'avais déjà entendu parlé de lui, c'est peut?être le deshi le plus célèbre d'après guerre.
KM : Qu'essayez-vous de transmettre à vos élèves ?
TM : J'enseigne ce que j'ai envie de pratiquer, ce qui me semble important de pratiquer. Je peux très bien pendant un mois travailler sur ikkyo, tout le temps, tous les cours. Je ne fais pas de démonstration, je vais prendre une forme de déplacement ou de technique et les travailler.
KM : On voit et on sent effectivement beaucoup de recherche dans votre pratique.
TM : Sur le même déplacement, il y a tellement de possibilités, tellement de choses à faire, tellement d'ouvertures... Ce n'est pas la peine d'en faire cinquante si déjà sur un seul déplacement on n'est pas capable de tout faire. Par exemple sur le déplacement Irimi, celui que l'on a pratiquement travaillé toute la semaine, il y a toutes les techniques possibles, toutes les variations, à tous les niveaux gedan chudan jodan, omote ura.
KM : Quelle place occupe les armes dans votre Aïkido ?
TM : Au Hombu Dojo, il n'y a pas de cours de bokken mais c'est très important, en particulier dans ce que sont le regard et le ma aï. Ce sont des concepts que l'on ne peut acquérir que par le travail des armes. Toucher avec une arme, c'est connaître la distance à laquelle on est vulnérable, frapper et recevoir un coup avec la main, ce n'est pas grave, ça le devient si c'est avec un ken donc le regard a son importance.
KM : Qu'attendez-vous de uke ?
TM : Je fais quelque chose et c'est à uke de s'adapter de manière naturelle. Moi aussi je m'adapte à lui à la condition qu'il reste debout, tout le temps en contact jusqu'à la dernière fraction de seconde dans laquelle il n'y a pas d'autre échappatoire que dans la chute. Le problème est dans la notion de chuter trop vite ou chuter trop tard. II n'y a pas d'entraînement spécifique pour ça, ça s'apprend tout seul. Donc uke doit toujours être debout, en contact et tenter de sauver sa peau, éventuellement en contre attaquant. Ce n'est pas quelque chose de mécanique car ce n'est jamais pareil, toutes les fois c'est différent. C'est un travail d'adaptation, de contact, il faut s'unir à l'autre, que ce soit dans une attaque ou dans une défense et la défense est aussi une attaque.
KM : Quel est le juste milieu entre une certaine résistance et une certaine souplesse ?
TM : Etre souple, ce n'est pas être dur. Etre souple c'est être en harmonie avec l'autre. C'est accepter et ce n'est pas la peine de forcer. II est toujours possible d'attraper quelqu'un et de fermer, de le bloquer ; il ne peut plus rien se passer sinon que l'autre peut vous massacrer. Si on saisit en souplesse, on va pouvoir faire autre chose. Etre présent physiquement et souple, c'est ça l'harmonie, c'est là que réside le fait de ne pas être vaincu.
KM : Comment ressentez-vous la pratique en France ?
TM : Je trouve que les gens travaillent avec assiduité, mais ce qui fait défaut, c'est l'attention. On croit voir mais on ne voit pas. Si on apprend à faire une technique et que l'on est fort physiquement, on croit savoir mais ce n'est pas ça. Quand on croit savoir, on bouge de façon automatique et c'est faux. Tamura senseï dit qu'il faut voler la technique, c'est tout à fait ça, surtout s'il ne la montre qu'une fois, il faut voir. Quand il montre une technique, les élèves voient ikkyo et disent ça y est, je sais et ils ne regardent plus, parce qu'ils pensent qu'ils savent. Regarder, voir et ensuite pratiquer, c'est un travail de chaque seconde. Mais je suis content car je trouve que les élèves essaient et travaillent sérieusement.
KM : Voyez-vous une différence de pratique entre la France et le Japon ?
TM : Les techniques pratiquées sont les mêmes (rires). Au Hombu Dojo, chaque professeur apporte sa vision personnelle...
KM : Quelle est votre philosophie de l'Aïkido ?
TM : L'Aïkido est un Budo, c'est une discipline et sa philosophie se trouve dans la pratique, à l'intérieur de la pratique. Ce qui est important, c'est la pratique. Et c'est dans la pratique que l'on pourra résoudre les problèmes, c'est une démarche très personnelle.
KM : Souhaiteriez-vous revenir en France ?
(ici, le traducteur Didier Boyet nous indique que Miyamoto Senseï ne peut répondre à cette question car cela serait inconvenant de dire oui et de la même manière, vexant de dire non. II nous indique cependant que s'il est invité, il acceptera avec plaisir)
KM : Domo arigato Senseï

Propos traduits par :
Didier BOYET

et recueillis par :
Romain LAMBERET